La faiblesse du dollar se poursuivra en 2026

Le dollar fait face à une nouvelle année difficile. Nos prévisions anticipent une nouvelle dépréciation due à la politique monétaire et aux déficits budgétaires et courants des États-Unis.
L’année 2025 a été une année mouvementée pour les marchés des devises, en particulier pour le dollar américain, qui s’est révélé être la devise la moins performante parmi les principales monnaies. Le « dollar Index » (qui suit la valeur de la devise américaine contre un panier d’autres devises) a chuté de 8 %, avec des baisses allant de seulement 1 % par rapport au dollar néo-zélandais à plus de 16 % face à la couronne suédoise. L'euro s'est, quant à lui, apprécié d'environ 12 % par rapport au dollar. Dans cet article, nous expliquons pourquoi nous anticipons un dollar toujours faible en 2026.
Le dollar reste surévalué
Nous estimons que le dollar est surévalué. Pour l’expliquer, nous pouvons nous référer à la mesure de « parité de pouvoir d'achat » (PPA). Cette mesure compare ce que l'argent permet d’acheter dans différents pays, offrant une vision plus précise de la valeur des devises. Le graphique ci-dessous illustre ces résultats.
Selon la PPA, la surévaluation la plus marquée du dollar concerne le yen japonais, avec un écart de près de 40 %. Le dollar apparait donc particulièrement cher face au yen. Cette mesure indique également une surévaluation du dollar de 17 % par rapport à l'euro. Une fois ajustée en fonction de la taille des différentes économies, l'analyse de la PPA suggère une valorisation EUR/USD de 1,42.
Niveau de valorisation par rapport au dollar américain
Nous utilisons également un modèle interne de type BEER (Behavioural Equilibrium Exchange Rate ou Taux de change d’équilibre comportemental en français), pour estimer la valorisation du dollar par rapport à l'euro.
Ce modèle s’appuie sur des données trimestrielles pour estimer la « valeur fondamentale » du taux de change basée sur des données économiques clés, notamment les flux commerciaux, les taux d'intérêt et les niveaux de prix relatifs. Les dernières données disponibles indiquent une valeur « fondamentale » de l'euro exprimé en dollar à 1,23, soit la plus élevée depuis 2017, et en forte hausse depuis le troisième trimestre 2024.
La force du dollar dans le passé
Il existe une autre mesure pour estimer la valeur de la devise américaine, qui est, elle, publiée par la Réserve fédérale : l'indice du dollar pondéré en fonction des échanges commerciaux. Cet indice compare le dollar à un panier de devises également, mais sur la base des flux commerciaux. Il montre que le dollar est proche de ses niveaux historiquement élevés : il dépasse actuellement le pic précédent de 2001, sans toutefois atteindre les niveaux de 1985.
En 2001, le dollar avait atteint son sommet à la suite d'une série de crises mondiales, de la crise financière asiatique à l'éclatement de la bulle Internet, qui en ont fait une monnaie refuge pour les investisseurs. L'économie américaine était stable, les taux d'intérêt étaient en hausse et le gouvernement affichait un excédent budgétaire. Après avoir atteint son pic en juillet 2001, le dollar a commencé à baisser. Les taux d'intérêt réels ont baissé, l'excédent s'est transformé en déficit et le déséquilibre commercial s'est aggravé.
En 1985, le dollar était certes encore plus fort, mais dans un contexte macroéconomique différent : l'économie américaine était en croissance, l'inflation était maîtrisée et les taux d'intérêt réels étaient élevés. Pourtant, le pays était confronté à d'importants déficits budgétaires et commerciaux : il importait davantage qu'il n'exportait et dépensait plus qu'il ne gagnait. Ce déséquilibre a conduit à l'accord du Plaza, un effort international coordonné visant à affaiblir le dollar.
Aujourd'hui, certains analystes avancent l'idée d'une version moderne de cet accord avec le « Mar-a-Lago Accord ». Bien qu'aucun accord officiel n'ait vu le jour, cette simple suggestion pourrait avoir contribué à la faiblesse du dollar en 2025. L'économie actuelle ressemble davantage à celle de 1985 qu'à celle de 2001 : les États-Unis sont confrontés à des déficits budgétaires persistants et croissants, ainsi qu'à un déséquilibre commercial record. À l'époque, l'accord du Plaza avait contribué à affaiblir le dollar, mais le contexte macroéconomique avait également joué un rôle majeur. La question est désormais de savoir si l'histoire se répétera.
Les pressions cycliques et structurelles
Nous restons pessimistes quant à l’évolution du cours du dollar, en raison de facteurs cycliques et structurels. Concernant les facteurs cycliques, nous anticipons une nouvelle baisse de la part de la Fed de son taux directeur. Une Fed moins restrictive(1) n'est pas favorable aux perspectives d'inflation. En conséquence, les taux d'intérêt réels devraient baisser, point négatif pour une devise.
Outre les facteurs cycliques, nous pensons que les facteurs structurels, tels que le déficit budgétaire et le déficit courant, retiendront davantage l'attention. Le déficit budgétaire américain suit une trajectoire insoutenable. Les inquiétudes liées à ce déficit budgétaire et à la fermeture des administrations ont contribué à la faiblesse du dollar, en raison de l'augmentation des primes de risque. Ainsi, les investisseurs exigent une compensation plus élevée pour le risque qu'ils prennent. Les inquiétudes concernant les facteurs structurels pourraient continuer de peser sur le dollar. En plus du déficit budgétaire, les États-Unis affichent également un important déficit courant. Jusqu’à présent, les investisseurs étrangers étaient prêts à financer ce déficit en raison du statut particulier des actifs américains et du dollar américain. Ils semblent pour l'instant vouloir conserver ces actifs, mais ils ont initié, voire augmenté, des positions pour couvrir leur exposition à ce marché. Si ces investisseurs décidaient de vendre leurs actifs américains, l’impact négatif sur les prix des actifs et sur le dollar américain pourrait être significatif.
Conclusion
Nous anticipons que la faiblesse du dollar persistera en 2026, sous l'effet de facteurs cycliques, tels que de nouvelles baisses de taux par la Réserve fédérale, et de pressions structurelles liées aux importants déficits budgétaires et courants. D'ici la fin de l’année 2026, notre prévision pour le taux de change EUR/USD est de l’ordre 1,25.
(1)Une Réserve fédérale accommodante fait référence à une politique monétaire axée sur le soutien de la croissance économique et de l'emploi. Lorsque la Fed est accommodante, elle privilégie généralement des taux d'intérêt bas afin de stimuler l'économie. Une Réserve fédérale restrictive privilégie le contrôle de l'inflation plutôt que la croissance. Lorsque la Fed est restrictive, elle a tendance à relever les taux d'intérêt ou à les maintenir à un niveau élevé afin de freiner l'inflation.



