
[Fiche pratique] Les 5 conseils de Julien Lemarchand aux entrepreneurs du jeu vidéo
La production de jeu vidéo n’est pas uniquement une affaire de passionnés : elle suppose de la part de l’entrepreneur une capacité à bien choisir ses partenaires stratégiques et une habileté pour mobiliser autour de son studio les ressources adéquates. Le point sur les facteurs essentiels de succès et de pérennité.

1- Ne rien laisser au hasard lors de la création de la société
Comme dans la plupart des secteurs d’activité, la création de la société est une étape décisive pour l’entrepreneur. En particulier, le choix de ses associés doit être réfléchi car revenir en arrière n’est pas chose facile. Les associés doivent idéalement apporter une complémentarité opérationnelle utile au développement de l’activité. Et surtout, ils doivent s’accorder sur un modèle de gouvernance clair et consensuel. Ce point est crucial car un désaccord stratégique entre associés menacerait la suite des activités de la structure.
Dans un contexte de marché très concurrentiel, avoir un positionnement spécifique pour la société est un facteur de succès. Il doit être soit différenciant grâce à des innovations spécifiques en termes de « gameplay », de narration ou de technologie, soit réduit à un genre de jeux vidéo précis, sur lequel l’équipe dispose d’un vrai savoir-faire.
2- Privilégier la constitution de fonds propres
C’est le rôle de l’entrepreneur de rassembler les ressources financières qui vont permettre de sécuriser la fabrication de son premier jeu vidéo. Idéalement, ces ressources doivent permettre d’aller jusqu’au bout de la phase de production du jeu vidéo, et, a minima, d’aboutir à une version suffisamment avancée pour négocier dans de bonnes conditions un partenariat financier avec un éditeur.
Au-delà des aides sélectives du CNC, les associés doivent bien capitaliser la société, soit en ayant recours à leurs ressources financières propres, soit par leur capacité à convaincre des tiers : friends & family, business angels ou VC (Venture Capital) spécialisés (certes encore peu nombreux).
Certains studios font le choix de se positionner, dans un premier temps, comme le sous-traitant d’un autre studio ou d’un éditeur. Cette stratégie permet de construire et de stabiliser une équipe face à un volume d’affaires sécurisé, tout en commençant à constituer un « track-record » et des fonds propres.
3- Bien choisir son éditeur
La relation studio-éditeur est un élément clé dans la fabrication d’un jeu vidéo. Pour le studio, la négociation des modalités financières (partage de l’IP, répartition des recettes, apport financier de l’éditeur) détermine souvent le choix de son partenaire.
Mais, dans la mesure du possible, le studio doit également tenir compte de critères extra-financiers. L’apport métier d’un éditeur (l’expertise sur un genre particulier, la taille d’une communauté de joueurs qualifiés) peut permettre de maximiser les ventes. De plus, partager des valeurs et une ambition commune pour le jeu vidéo permettra un alignement d’intérêt et la réalisation du jeu avec un plein potentiel.
Les studios qui arrivent à nouer ce niveau de relation avec un éditeur tendent à développer leurs jeux suivants avec le même partenaire, ce qui apporte du confort et de la visibilité.
4- Structurer sa société pendant la phase de production
La phase de production du jeu vidéo dure généralement 2 à 3 ans, ce qui permet à l’entrepreneur d’industrialiser la fabrication du jeu vidéo. Il n’y a pas de place pour la routine pendant cette phase, qui nécessite une structuration rigoureuse de la société.
Les problématiques de gestion de la trésorerie, de financement et éventuellement de change deviennent centrales. Pour les adresser efficacement, l’idéal est de recruter un directeur financier (permanent ou à temps partiel) et de se rapprocher d’une banque spécialisée.
Il est important d’avoir un bon expert-comptable qui va pouvoir, en lien avec le CNC, s’assurer de la bonne éligibilité du studio au crédit d’impôt jeu vidéo, le principal écueil consistant à faire sa demande d’agrément sous le bon timing et à veiller au respect des conditions qui permettent d’obtenir l’agrément définitif.
5- Diversifier son activité
Le studio de jeu vidéo mono-projet doit toujours anticiper le projet suivant, qui doit être identifié plusieurs mois avant la sortie du jeu en cours de production. C’est une règle d’or car, dans une économie de coûts fixes, toute période de flottement peut être fatale pour le studio.
Pour des studios de taille intermédiaire, une stratégie de diversification peut consister à produire plusieurs jeux simultanément, avec des budgets, des durée de développement et des modèles économiques différents (entre la prestation pour sécuriser une marge et la coproduction voire l’autoédition pour maximiser ses recettes en cas de succès).
Les nouveaux modèles de monétisation comme le jeu épisodique ou les contenus additionnels payants de type DLC (Downloadable content) sont intéressants car ils permettent d’avoir des cycles de génération de recettes plus courts et plus nombreux. L’objectif ultime du studio doit être de parvenir à générer des revenus récurrents, à travers l’exploitation du back catalogue, par exemple. Cette stratégie permettra de couvrir tout ou partie des frais généraux du studio et de gagner en autonomie financière.
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