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Droit d’auteur : le modèle français va-t-il survivre ?

L’initiative de Bruxelles de bâtir une « stratégie pour un marché unique numérique en Europe » ne fait pas l’unanimité en France. Premier pays à avoir protégé la propriété littéraire et artistique au XVIIIe siècle, puis par la loi du 11 mars 1957, réformée en 1985, la France fait figure de village gaulois résistant à l’influence européenne et à l’hégémonique culture du partage venue du web. Cette exception française se retrouve au cœur d’une bataille opposant défenseurs d’un modèle protecteur du droit d’auteur et promoteurs d’un droit fondé sur l’usage et le partage.

Vers un marché unique numérique

Considérant le droit d’auteur comme une barrière nationale, la Commission européenne entend faire sauter le principe de geoblocking pour faciliter la distribution en ligne et transfrontière de programmes télévision et radio. L’acquisition des droits se ferait alors par l’intermédiation d’une société de gestion collective. Au lieu de négocier et régler les droits d’auteur pays par pays, le radiodiffuseur s’en acquitterait dans son pays d’origine rendant le programme accessible dans les autres États membres.

« 400 heures de vidéo seraient mises en ligne chaque minute sur YouTube. »

Responsabilisation des services en ligne

La Commission envisage de responsabiliser les services en ligne qui exploitent des contenus protégés en les obligeant à conclure des contrats de licences avec les titulaires de droit et à prendre de mesures garantissant le bon fonctionnement de ces contrats, grâce à la reconnaissance de contenus. À l’heure actuelle en France, les hébergeurs ont une responsabilité aménagée par rapport à celle des éditeurs au regard des contenus illicites. Cependant, en pratique, la frontière entre les deux notions est floue, y compris devant les tribunaux.

Des adaptations nécessaires

Début mars, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris-Ile-France prenait la défense de notre droit d’auteur à la française(1). Bien qu’il ne réponde « qu’imparfaitement aux problématiques suscitées par le numérique, il serait pour autant dangereux de le remettre complètement en cause ».

Elle préconise d’explorer d’autres pistes d’améliorations, comme : une adaptation des règles fiscales pour les GAFA, la contractualisation chaque fois que c’est nécessaire, le développement de fonds de soutien à l’innovation numérique et une meilleure articulation entre cette proposition et la directive sur le commerce numérique.

Toujours sur la question de la responsabilisation des services en ligne, pour la Sacem, la proposition de directive pourrait rétablir l’équité dans des rapports contractuels aujourd’hui trop asymétriques. Pour l’Hadopi, il est nécessaire de corriger le transfert de valeur pour garantir aux titulaires de droits une rémunération compensant les exploitations réalisées mais aussi de fournir aux utilisateurs un cadre juridique adapté et sécurisé.

La ministre de la Culture, la Sacem, le Conseil permanent des écrivains et d’autres réclament une clarification du statut des activités des intermédiaires au regard du droit d’auteur : préciser les notions d’éditeur et d’hébergeur.

Enfin, pour Google la proposition de directive n’est pas réaliste : tout aussi géant qu’il soit, il n’est pas, pour chaque création, en mesure de négocier un contrat. 400 heures de vidéo seraient mises en ligne chaque minute sur YouTube. La Gam (Guilde des artistes de la musique) fait également valoir que la transparence proposée par la commission repose sur la capacité des acteurs à se doter d’outils techniques, et, ce faisant, nuise aux petits acteurs européens.

Des débats houleux en perspective

Alors que les acteurs français tentent d’aménager la proposition de Directive, le Parlement européen a jeté de l’huile sur le feu. Dans son rapport, l’eurodéputé Marc Joulaud(2) propose d’instaurer trois nouvelles exceptions au droit d’auteur qui vont au-delà de ce que proposait le texte initial de la Commission européenne.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Dans une lettre adressée à l’eurodéputé, la SACD a regretté que ces positions s’inscrivent à rebours de tous les engagements et positions adoptés par les pouvoirs publics français depuis de nombreuses années, quelles que soient les majorités politiques en place. « Nous n’avons pas en mémoire d’autres exemples de rapports rédigés par un député français au sein d’une Commission Culture dont l’ambition est souvent de soutenir les créateurs et qui se seraient livrés à une telle remise en cause du droit d’auteur », écrit Pascal Rogard, le directeur général de la SACD.

Le risque est, en effet, de rendre plus complexes les perceptions et donc le versement aux auteurs de leurs droits sur les nouveaux services numériques. En réponse, le député a tenu à rappeler son « engagement en faveur du droit d’auteur et de la rémunération des auteurs ». Les débats ne sont donc pas clos.

(1) Le droit d’auteur à l’ère numérique : enjeux et défis, Réaction de la CCI Paris Ile-de-France à la proposition de directive du 14 septembre 2106, 2 mars 2017
(2) Projet d’avis de la commission de la culture et de l’éducation, Parlement européen, 6 février 2016

Le saviez-vous ?

Moteurs de recherches, médias sociaux, agrégateurs de contenus, bibliothèques personnelles, plateformes vidéo… les intermédiaires génèrent de la valeur. Selon l’étude Roland Berger de septembre 2016, leurs revenus atteignent 22 milliards d’euros en euros en Europe, dont 2,1 milliards d’euros en France. Selon Google, YouTube a payé plus de 3 milliards de dollars à l’industrie musicale. L’industrie musicale aurait connu une hausse des ventes de 6,9% à la faveur des outils numériques et distribution en ligne.

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